- Titre :
- LES DOSSIERS DE L'ENVIRONNEMENT DE L'INRA, N° 33 - Rio + 20 : comment rechercher un développement durable ? - Bulletin N° 33 - Rio + 20 : comment rechercher un développement durable ?
- Type de document :
- Bulletin : Périodique
- Paru le :
- 01/06/2012
- Année de publication :
- 2012
- Langues:
- Français
- Commande possible de photocopies :
- -
- Appartenance :
- ABioDoc
Dépouillements
Réinventer les systèmes agricoles : quelle agronomie pour un développement durable ?
L'évolution de l'agriculture de l'Europe de l'Ouest pendant le XXème siècle a permis de répondre aux principaux défis de cette période : assurer l'autonomie alimentaire de l'Union européenne et libérer de la main d'uvre pour l'industrie, ce qui s'est traduit par une forte diminution de la population agricole. Mais aujourd'hui, de nouvelles questions se posent et de nouveaux défis sont à relever. L'agriculture devenue intensive est critiquée pour ses impacts sur l'environnement et doit désormais répondre à de nouveaux enjeux de durabilité. Dans cet article, l'auteur s'interroge : les adaptations mises en place depuis une vingtaine d'années (réduction des pollutions nitriques, ajustement des intrants
) sont-elles suffisantes ? Si ce n'est pas le cas, quelles adaptations des systèmes agricoles sont à prévoir ? Après une analyse des logiques économiques, sociales et agronomiques des systèmes agricoles actuels, l'auteur donne quelques propositions pour la recherche et le développement de l'agriculture et de l'action publique.
Dynamiques agraires et croissance démographique au Burundi : l'agroécologie avant la lettre
Hubert COCHET, Auteur
Le Burundi est un petit pays montagnard de l'Afrique de l'Est dont l'agriculture semble, à première vue, traditionnelle (manuelle, vivrière). Pourtant, le pays a déjà connu deux révolutions agricoles majeures, basées essentiellement sur les mécanismes biologiques et l'ingéniosité humaine. Ainsi, la gestion de la biomasse y est devenue un enjeu majeur des systèmes agricoles et des échanges entre acteurs. A la fin des années quarante, le Burundi a atteint ainsi son indépendance alimentaire, et ce, jusqu'à la guerre civile de 1993. Dans cet article, l'auteur présente les résultats de sa recherche sur le développement agricole du Burundi, et ce, sur les deux mille ans d'histoire agraire du pays.
Théories de l'action collective et biens communs
Cet article porte sur le développement des théories de l'action collective depuis les années 60 en lien avec la gestion des biens communs. A l'origine de la recherche sur ce champ de connaissance, les chercheurs postulaient que l'action collective est égale à la somme des actions individuelles, l'individu ne visant qu'à son bénéfice propre. C'était alors à l'Etat ou au marché de jouer le rôle de régulateur. Or, la recherche se développant, cette théorie a été remise en cause à partir de l'observation qu'en fait, avec le développement d'une communication, l'action collective se développe, basée sur la confiance. Ceci s'appuie notamment sur l'hypothèse que les individus sont bien intentionnés, avec néanmoins une rationalité limitée, mais qu'ils peuvent apprendre les normes et préférences d'autrui. La confiance qui se développe résulte d'une « assurance de réciprocité » dans l'action ou l'engagement. La coopération fait qu'il y a augmentation des bénéfices mutuels, donc le résultat dépasse la somme des intérêts individuels. Les collectifs d'usagers, avec ou sans réseau, s'avèrent plus pertinents pour gérer des biens communs que l'Etat ou le marché. Ceci peut être illustré, par exemple, par la meilleure résistance à la crise économique des acteurs de l'économie solidaire (associations, coopératives, mutuelles
) par rapport au système conventionnel d'entreprenariat basé sur l'actionnariat.
L'« effet mâle » : une technique agro-écologique de maîtrise de la reproduction et une plateforme d'échanges scientifiques entre la Tunisie, le Mexique et la France
Philippe CHEMINEAU, Auteur ;
Gley KHALDI, Auteur ;
Narjess LASSOUED, Auteur ;
ET AL., Auteur
Il y a une vingtaine d'années, une collaboration scientifique s'instaurait entre quelques chercheurs de l'INRA et des chercheurs tunisiens ou encore mexicains pour mieux comprendre l'« effet mâle » en élevage de petits ruminants et permettre à des pays en voie de développement de disposer de techniques peu coûteuses pour maîtriser la reproduction en ovins ou caprins. Pourtant, à cette même période, l'essentiel de la recherche s'est concentrée, en France, sur l'utilisation de traitements hormonaux, qui se sont largement étendus depuis. Or, actuellement, l'intérêt pour une maîtrise « naturelle » de la reproduction se développe fortement en France, en lien avec le développement de l'AB, mais aussi à cause du coût des traitements hormonaux. Aussi, les résultats acquis à travers ces collaborations scientifiques engagées il y a 20 ans servent de base pour développer de manière efficace des techniques durables de maîtrise de la reproduction chez des troupeaux ovins ou caprins français et européens. Ces collaborations scientifiques internationales, dont certains résultats sont présentés dans cet article, ont notamment permis de mieux comprendre l'effet mâle et ses mécanismes physiologiques, mais aussi l'importance de la condition corporelle de la brebis au moment de l'agnelage pour mieux répondre à cet effet mâle ou encore le rôle du niveau d'activité sexuelle du bouc pour un résultat optimum.
Une troisième frontière agraire à explorer ?
Bernard HUBERT, Auteur
Cet article porte sur l'évolution du rôle de l'agriculture dans la société et des concepts, en particulier scientifiques, sous-jacents à ces évolutions. La première frontière agraire fait référence à la limite entre terres agricoles et terres « sauvages » à défricher. La seconde fait référence à la frontière avec le monde urbain et les infrastructures (pression foncière). Pour l'auteur, une troisième frontière est à prendre en compte. Ainsi, aujourd'hui, on peut observer une tripartition du monde, entre la ville, l'espace rural et les espaces naturels, plus ou moins protégés, vus comme garants des grands équilibres écologiques de la planète et porteurs de services propres, comme les loisirs. L'auteur questionne la pertinence de cette approche. Comment s'adapter dans un tel cadre aux évolutions, aux changements (évolution du climat, de la population, de la société
) ? Maintenir de telles frontières fait que l'on est en permanence dans la recherche de conciliation entre agriculture et environnement. Ne serait-ce pas plus pertinent de faire en sorte que « l'environnement soit, parmi d'autres, une production de l'agriculture », les ressources agricoles étant en interaction permanente avec les écosystèmes ? Développer une telle approche demande notamment une mutation dans le positionnement du chercheur ou même du décideur. Cela demande aussi une nouvelle approche politique basée sur le processus de co-évoluton, le développement d'organisations sociales en interactions permanentes, pour une gestion dynamique intégrant en une même dimension agriculture, société et environnement.
Aux origines de la biodiversité : les ressources génétiques
PH. GOUYON, Auteur
Dans cet article, l'auteur partage quelques éléments de réflexion sur la biodiversité et son évolution, en se basant notamment sur les écrits de Darwin. La notion de biodiversité est discutée, ainsi que sa préservation et les enjeux de celle-ci. La question de l'impact des actions humaines est notamment abordée, avec un zoom sur l'agriculture moderne et l'érosion génétique induite par la sélection des espèces cultivées. Enfin, quelques solutions sont proposées et discutées.
Cultiver la biodiversité
François PAPY, Auteur ;
I. GOLDRINGER, Auteur
Les deux auteurs de cet article, la généticienne Isabelle Goldringer et l'agronome François Papy, mettent ici en commun leurs connaissances et leurs réflexions concernant la culture de la biodiversité. Celle-ci est décrite comme le fait de réintroduire une diversité écologique dans l'agriculture ainsi que des diversités inter- et intra-spécifiques au sein des espèces cultivées. Ce concept répond à l'une des dernières révolutions agricoles : l'intensification écologique. En présentant d'abord les deux dernières révolutions agricoles en Europe du Nord, et en exposant ensuite certaines pistes de réflexion sur la nouvelle intensification écologique, les auteurs développeront l'idée que la biodiversité cultivée permet de valoriser les ressources abiotiques et de gérer les interactions entre plantes cultivées, bio-agresseurs et ennemis naturels de ces derniers.
Pertes et gaspillage alimentaires : Un gisement déterminant, complexe et multiple pour la durabilité
Barbara REDLINGSHÖFER, Auteur ;
Annie SOYEUX, Auteur
Les pertes et gaspillages sont estimés au niveau mondial à environ 30 % de la production agricole. Le phénomène suscite des questions d'ordre social et éthique, et ces pertes ont aussi un coût. Afin d'assurer la sécurité alimentaire des 9 milliards d'humains attendus en 2050, la réduction de ces pertes est aujourd'hui considérée comme un levier pour augmenter la disponibilité alimentaire. A noter qu'il existe actuellement une absence de définitions consensuelles des termes pertes et gaspillage qui peut expliquer des écarts d'estimations importants selon les sources. Les origines principales des pertes et gaspillages alimentaires de la récolte à la consommation des produits sont présentés pour les pays du Nord et les pays du Sud, ainsi que des chiffres qui illustrent l'ampleur du phénomène. Face à cela, des leviers existent. Ainsi, pour les pays du Nord, on distingue des leviers : - de nature technique : innovation dans le domaine de la production, de la logistique, de la conservation ; - de nature fiscale : par exemple, prise en compte des dons dans le calcul de l'assiette des impôts ; - d'ordre normatif ou réglementaire : pour éviter la confusion DLC, DLUO, ou réduire les marges de sécurité de plus en plus importantes pour les entreprises ; - résultant de l'information et de la sensibilisation pour faire évoluer les comportements. Dans les pays du Sud, les pistes d'action envers la réduction des pertes post-récoltes relèvent de deux grands domaines : - innovations techniques : équipements pour stabiliser les produits bruts, techniques et équipements pour assurer un stockage et un transport hermétique
; - innovations organisationnelles : diffusion des bonnes pratiques, accès au capital
etc. Enfin, il est temps de faire appel aux approches systémiques et aux systèmes basés sur les valorisations. Le principe est qu'il n'y a pas de déchets définitifs, mais que les déchets d'un système deviennent les matières premières de l'autre, permettant ainsi de recycler entièrement les nutriments.
Changement climatique et sécurité alimentaire : un test crucial pour l'humanité ?
L'agriculture mondiale est à un carrefour. Alors que l'impact du changement climatique sur la production alimentaire est déjà négatif, la demande agricole devrait augmenter de 70 à 100 % d'ici 2050. Comment éviter la spirale pauvreté/faim/dégradation de l'environnement/conflits ? Comment développer une agriculture «intelligente » face au réchauffement climatique ? Aujourd'hui, l'agriculture est un facteur de la dégradation des terres, de l'érosion de la biodiversité, de la surexploitation des nappes phréatiques et des émissions de GES d'origine anthropique. Si ces tendances se poursuivent, la production devra doubler, accentuant les émissions de GES et le réchauffement du climat. Les crises alimentaires mondiales du début du XXI siècle soulignent notre mauvaise compréhension des interactions complexes entre systèmes alimentaires, marchés et climat : interactions qui fragilisent la sécurité mondiale. L'agriculture est déjà confrontée au changement climatique et les agriculteurs s'adaptent en faisant évoluer leurs pratiques agricoles, mais cela n'est pas suffisant pour faire face aux changements climatiques de grande ampleur. Un effort international d'adaptation de l'agriculture sera indispensable. Il s'agit d'engager des recherches sur les variétés végétales et races animales dont on aura besoin demain mais il faut aussi bouleverser les pratiques agricoles pour concevoir des systèmes de cultures et d'élevages adaptés, résilients et éco-efficaces, tout en préservant les sols, l'eau et les ressources génétiques et en réduisant les émissions de GES : réduire l'excès de fertilisation azotée, substituer les engrais azotés minéraux par la fixation biologique d'azote, améliorer la gestion des effluents d'élevage
ou encore ne pas utiliser les cultures alimentaires comme agro-carburants. Il faudra développer l'ingénierie agro-écologique, développer les éco-technologies
Il est aussi crucial de préserver les stocks de carbone en évitant la déforestation, le retournement des prairies, la dégradation et l'érosion des sols. L'auteur conclut sur les 4 principales actions politiques à mener pour assurer la sécurité alimentaire mondiale.
Développement durable : anatomie d'une notion
L'auteur mène une réflexion sur la notion de développement durable, sa ou ses définitions ou encore les actions mises en uvre en son nom ou en opposition afin de comprendre les enjeux actuels. Dans un premier temps, il présente l'origine, la définition première et les principes du développement durable, que l'on pourrait résumer sous le terme de « bonne gouvernance ». C'est un projet de société, un choix de vie en commun pour les générations actuelles et futures, basé sur un principe de justice sociale, de précaution (notamment pour l'environnement) et de concertation ouverte à tous. L'auteur présente, dans un second temps, les « forces » d'opposition à ce principe, notamment les lois du marché ou encore le principe d'hégémonie des nations qui sont autant d'éléments qui expliquent pourquoi le principe de développement durable ne peut s'appliquer tel quel. Mais si les choses semblent peu avancées (il y a augmentation des émissions de CO2), le développement durable n'est pas sans impact sur la société, puisqu'il s'institutionnalise et participe à la définition de certaines règles ou politiques. Cependant, face aux « forces » qui s'opposent à ce principe, notamment les valeurs liées au néo-libéralisme, il faut, pour l'auteur, reprendre les débats sur la notion de développement durable, non pas comme un principe simple qui s'imposerait à tous « spontanément », mais en tenant compte de la réalité et de la complexité des choses ainsi que de la diversité des solutions pouvant apparaître, certaines étant meilleures que d'autres.
Les politiques publiques des sciences de l'environnement et des technologies à l'épreuve du développement durable
L'auteur présente son analyse sur les conséquences d'une recherche publique non dédiée à la compréhension du fonctionnement des écosystèmes mais plutôt axée sur le développement d'un progrès supposé à travers l'innovation technique. Or, considérer que la technologie est la solution à tout, même aux problèmes qu'elle génère en termes d'environnement ou de santé publique, amène à deux effets majeurs : des financements publics ne permettant pas d'avancées majeures et le maintien de la vision que l'environnement, la biodiversité sont des contraintes et non des atouts. Favoriser par un financement public pertinent, la recherche sur le fonctionnement de la biosphère ou des écosystèmes permettrait d'apporter à la sphère économique et technique les connaissances nécessaires pour développer des innovations techniques faisant de l'environnement un atout. C'est l'approche que promeut l'agriculture écologiquement intensive, basée sur le développement de techniques agricoles inspirées du fonctionnement des écosystèmes. Ainsi, un financement public d'une recherche centrée sur l'environnement et non sur la technologie, cette dernière étant du ressort des entreprises, serait la base d'un vrai développement durable.