- Titre :
- SÉSAME, N° 3 - Mai 2018 - Bulletin N° 3
- Type de document :
- Bulletin : Périodique
- Paru le :
- 01/05/2018
- Année de publication :
- 2018
- Langues:
- Français
- Commande possible de photocopies :
- -
- Appartenance :
- ABioDoc
Dépouillements
Le cacao ne compte pas pour du beurre
Fortin BLEY, Auteur
La Côte d'Ivoire est le premier pays producteur et exportateur de cacao. La filière est construite autour d'un modèle d'agriculture familiale qui permet à environ cinq millions de personnes de subvenir à leurs besoins. Or, ces dernières sont mises en grande difficulté par la forte chute des cours mondiaux survenue fin 2016 avec, comme dommage collatéral, une accentuation de l'exode rural vers les villes. Pour Fortin Bley, producteur de cacao en Côte d'Ivoire, président du réseau des producteurs Fairtrade d'Afrique de l'Ouest, membre du conseil d'administration de la coopérative CANN et auteur de cet article, deux pistes sont à développer pour maintenir le nombre de producteurs : leur assurer un niveau de vie décent et développer des modes de culture plus durables, notamment pour faire face au changement climatique, à l'appauvrissement des sols et à l'apparition de nouvelles maladies du cacaoyer. Le commerce équitable, en assurant un prix minimum garanti, est une des pistes à développer selon l'auteur. Par ailleurs, dans le cadre d'un système coopératif, il insiste sur l'importance du partage des décisions et de la mise en place d'un système démocratique.
La politique de l'étiquette
Jean-Noël JOUZEL, Auteur ;
Giovanni PRETE, Auteur
En 2015, le classement du glyphosate comme cancérogène probable par le CIRC (Centre International de Recherche contre le Cancer) a lancé une controverse importante sur les dangers des pesticides, mais aussi sur le rôle des institutions d'expertise. En effet, cette décision du CIRC a été contestée par plusieurs agences nationales et internationales. Dans cet article, les auteurs tentent d'expliquer les raisons de ces désaccords. D'abord, ils mettent en exergue l'influence possible des industriels dans les décisions, y compris ceux qui produisent ces pesticides. Nombre de politiques scientifiques et d'innovation ont en effet fait le choix de laisser une place au partenariat avec les industriels. De plus, les méthodes d'évaluation utilisées par les différentes instances d'expertise ne sont pas toujours les mêmes, ce qui peut conduire à des conclusions différentes : des critères différents peuvent être observés, le niveau d'exposition des populations peut être pris en compte ou non, etc. En réalité, ce dernier point est grandement dépendant du respect des bonnes pratiques d'usage par les utilisateurs des produits évalués. Or, force est de constater que, en tout cas pour la protection des travailleurs agricoles, les protections préconisées ne sont que trop rarement utilisées. En conclusion, les auteurs soulignent le manque de moyens matériels et humains des agences qui leur permettraient de réaliser leurs missions consciencieusement et en toute objectivité.
CRISPR-Cas9 : Surtout, ne pas couper court au débat
Sylvie BERTHIER, Auteur
En 2012, les chercheuses Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna ont découvert le CRISPR-Cas9. Derrière ce nom, se cache une construction moléculaire capable de modifier plus facilement et à moindre coût le génome de toutes les espèces vivantes, végétales et animales, y compris l'homme. Composée d'un ARN, cette construction s'avère suffisamment petite pour pouvoir entrer dans une cellule, et serait capable de couper un brin d'ADN avec une précision chirurgicale. Par ailleurs, son coût de production est très inférieur à celui des techniques utilisées précédemment. Ainsi, depuis 2013, de nombreux laboratoires réfléchissent et travaillent sur les applications possibles de cette découverte, jusqu'à la thérapie génique et au fantasme de l'homme augmenté. Cela conduit bien évidemment à de nombreuses levées de boucliers, notamment de la part des organisations paysannes et de la société civile françaises. Pour celles-ci, le premier enjeu est de faire reconnaître les produits obtenus via CRISPR-Cas9 comme des OGM. En effet, la biotechnologie CRISPR-Cas9 coupe l'ADN mais ne vise pas à intégrer de nouveaux gènes dans un organisme, elle pourrait donc échapper à la réglementation relative aux OGM. Axel Kahn, généticien et président du comité commun d'éthique Inra-Cirad-Ifremer, et Hervé Chneiweiss, neurologue et président du comité d'éthique de l'Inserm, commentent cette découverte et ses possibles applications dans nos sociétés. La possibilité de faire du forçage génétique, entre autres, pose question, notamment en ce qui concerne les possibles contaminations de l'environnement. Le forçage génétique viserait à éradiquer des espèces nuisibles, comme le moustique, vecteur de nombreuses maladies de l'homme, en agissant sur leur génome.
Qualité nutritionnelle : Faut-il en faire tout un plat ?
Lucie GILLOT, Auteur
Les facteurs influençant la qualité nutritionnelle dun aliment seraient de trois ordres : - le niveau de transformation, notamment de raffinement ; - le mode de production agricole ; - la matrice dun aliment, cest-à-dire sa forme, qui rendra plus ou moins disponibles les nutriments quil contient. Ainsi, si les aliments transformés sont fréquemment montrés du doigt, les aliments bruts, d'origines végétale et animale, souffriraient également d'une baisse de leur qualité nutritionnelle du fait de l'industrialisation des modes de production agricoles. Ambroise Martin, professeur de nutrition et membre du comité de pilotage du Programme National Nutrition et Santé (PNNS), apporte son regard sur cette question de la qualité nutritionnelle. Selon lui, cette notion doit s'évaluer à l'échelle du régime global et non pas de l'aliment. Il aborde par ailleurs le cas de l'agriculture biologique, qui a fait l'objet de nombreux débats. La conclusion d'un rapport remis en 2016 au Parlement européen ne montre pas de conséquence particulière, en matière de qualité nutritionnelle, d'un régime à base de produits bio, si ce n'est pour la teneur en polyphénols. Les critères nutritionnels dépendraient plus fortement des différentes variétés ou, pour les produits issus de lélevage, de lalimentation des animaux. Les mesures mises en place au niveau national dans le cadre du PNNS sont présentées.
Friches : De nouveaux terrains d'ententes ?
Yann KERVENO, Auteur
Les friches sont des terres qui ne sont plus entretenues par l'agriculture, généralement pour deux raisons principales : - leur mise en culture ou entretien est trop contraignant (topographie, pente, petite surface...) ; - les propriétaires ne veulent pas vendre ni louer en fermage ces terres, de peur de ne pouvoir les vendre dans le cas où elles passeraient en zone constructible. La pression foncière, particulièrement importante sur le pourtour méditerranéen, joue dans ce contexte un rôle particulièrement fort. Toutefois, des initiatives locales permettent la remise en culture de ces espaces, notamment par des élevages en quête de fourrages et d'autonomie. Dans cet article, deux exemples sont présentés : - dans l'Aude, des éleveurs bovins de montagne se sont réunis au sein d'un GIEE dans l'objectif de finir leurs veaux plutôt que de les exporter en maigre. Pour ce faire, et avec l'appui d'une commune et d'entreprises installées localement, ils ont pu valoriser 85 ha en plaine ; - dans les Pyrénées-Orientales, c'est la commune de Claira qui a proposé ses terres en friche aux éleveurs de la coopérative ovine départementale afin d'en assurer l'entretien. Ces terres sont utilisées pour la production de céréales et de fourrages et sont conduites en agriculture biologique. Dans ces deux cas, des baux de courte durée ont pu être signés. Comme le souligne Philippe Pointereau, du pôle agroenvironnement de Solagro, l'enfrichement n'est pas le seul facteur de disparition des terres agricoles, leur artificialisation reste un problème majeur qu'il faut combattre.
Insectes : Des élevages d'insectes, entre fermes et usines
Stéphane THEPOT, Auteur
Le 1er juillet 2017, l'Union européenne a autorisé l'utilisation de farines d'insectes pour l'alimentation des poissons d'élevage. Depuis, une douzaine d'entreprises françaises se sont positionnées sur ce créneau. Parmi elles, Entomo Farm produit des larves de ténébrions ou "vers de farine" en sous-traitant leur élevage à des agriculteurs. Toute la larve est comestible, et ses déjections peuvent être valorisées comme fertilisant, y compris en agriculture biologique. La société Ynsect, elle, se base sur un mode de production plus industriel, avec la plus importante unité de production française (400 tonnes de farine par an). Ynsect voit encore plus grand avec, pour projet, une usine d'une capacité de production de 20 000 tonnes par an, soit la plus grande usine d'insectes au monde. Un troisième modèle se dessine par ailleurs. Basé sur l'économie circulaire, les insectes seraient alors alimentés avec des déchets (fruits et légumes avariés par exemple). Des agriculteurs sont aussi porteurs d'initiatives, comme Nicolas Brahic, éleveur de cochons bio dans l'Hérault. Il souhaiterait pouvoir donner à ses cochons les larves de cétoines qu'il utilise pour le compostage de buis broyé mais, à ce jour, la réglementation ne le lui permet pas. Certaines sociétés se sont aussi positionnées sur l'élevage d'insectes pour l'alimentation humaine, comme Micronutris, qui aimerait obtenir le label bio pour ses insectes.
Biocontrôle : Gare aux confusions textuelles
Lucie GILLOT, Auteur ;
Valérie PÉAN, Auteur
Les divers objectifs du plan Ecophyto et de la Loi d'orientation agricole de 2014 visent une réduction de l'utilisation des pesticides et le développement de méthodes alternatives pour la protection des cultures. Dans ce contexte, la lutte biologique trouve un nouvel essor, mais sous le terme de « biocontrôle ». Dans cet article, les auteurs reviennent sur cette notion de biocontrôle et ce qu'elle cache réellement. Le biocontrôle désigne un « panel de techniques plus large que celles classiquement utilisées en lutte biologique ». Aussi, les solutions de biocontrôle doivent être abordées comme des méthodes complémentaires à d'autres approches et ne concernent pas que des méthodes spécifiques à l'agriculture biologique. Par ailleurs, si les produits de biocontrôle sont d'origine naturelle, certains d'entre eux peuvent tout de même présenter quelques dangers à ne pas négliger : certains auxiliaires sont par exemple devenus invasifs. Enfin, les auteurs rappellent que nombre de solutions de biocontrôle nécessitent des démarches d'homologation parfois longues et coûteuses, que seules de grosses firmes peuvent porter.
Agriculteurs, chercheurs et systèmes complexes : en route vers l'agroécologie
Goulven LE BAHERS, Auteur ;
Marianne CERF, Auteur ;
Martine GEORGET, Auteur ;
ET AL., Auteur
En 2017, une journée autour de la place des systèmes agricoles complexes en agroécologie a été organisée au GAEC Ursule, membre du Civam 85 et du GIEE GRAPEA (Groupe de Recherche pour une Agriculture Paysanne Econome et Autonome), et situé en Vendée. Cette journée a réuni 32 participants, notamment des chercheurs (Inra) et des agriculteurs. Certifié en agriculture biologique depuis 2000, ce GAEC fait office de pionnier sur plusieurs thématiques. Aujourd'hui, il fait vivre huit personnes qui participent, ensemble, au fonctionnement global du système dans un même état d'esprit. Capacité d'adaptation, volonté d'expérimentation, investissement dans le long terme, diversification (des activités, des compétences et cultiver la biodiversité), ou encore travail en commun sont les maîtres mots de ce système complexe.