- Titre :
- SÉSAME, N° 4 - Novembre 2018 - Bulletin N° 4
- Type de document :
- Bulletin : Périodique
- Paru le :
- 01/11/2018
- Année de publication :
- 2018
- Langues:
- Français
- Commande possible de photocopies :
- -
- Appartenance :
- ABioDoc
Dépouillements


Puisqu'il le faudra bien, parviendra-t-on à faire avec les loups ?
Raphaël LARRERE, Auteur
Raphaël Larrère (ancien directeur de recherche à lINRA et président du conseil scientifique du parc national du Mercantour de 2006 à 2016) apporte sa contribution sur la question du loup. Il explique en quoi le loup est un animal de discorde : comme sa présence est invisible et que son comportement est imprévisible, il alimente considérablement les rumeurs. Après avoir été évincé au XIXème siècle, lorsque la population rurale était au plus dense et que la superficie des forêts était au plus faible, il est de retour sur nos territoires. La déprise agricole combinée à lintroduction dongulés sauvages offrent à cet animal une niche écologique toute prête. Selon Raphaël Larrère, quoi que lon fasse, les loups resteront ou reviendront, il faut donc faire avec : depuis 25 ans, les agriculteurs du Mercantour y sont confrontés et, en dépit des discours alarmistes, aucune unité pastorale na été abandonnée au cur du parc. Toutefois, la cohabitation ne sera jamais harmonieuse puisque les loups continueront à tuer des brebis. Lhostilité des éleveurs est sans doute moins due à des raisons économiques qu'à la manière dont la menace de prédation leur rend la vie difficile en période estivale. Raphaël Larrère invite ensuite le lecteur à une expérience de pensée : si le loup pouvait être chassé, quels seraient les impacts sur le monde agricole ? Il livre des propositions (mesures, pistes de recherche, dispositifs) pour mettre en place une cohabitation quil qualifie de « réaliste ».


Tout un monde : Le goût des autres
Sébastien ABIS, Auteur
Sébastien Abis, directeur du Club Demeter et chercheur à lInstitut de Relations Internationales et Stratégiques, explique le lien entre les dynamiques de consommation alimentaire et les dimensions culturelles et religieuses de nos sociétés. Nos pratiques et choix alimentaires dépendent à la fois du territoire où nous vivons, de nos trajectoires, de nos rencontres et de nos découvertes : ils transforment notre alimentation. Ce que nous mangeons est un marqueur fort de notre identité, y compris sur le plan religieux (interdiction alimentaire, mode dabattage des animaux, jeûne). La montée de lathéisme a autant dincidence sur les dynamiques alimentaires que sur léconomie ou les échanges commerciaux. Par exemple, avec les Hindous, la vache « sacrée » permet à lInde dexporter de la viande sur les marchés, mais le déclin du sentiment religieux entraîne une forte progression de la consommation de produits carnés dans le pays. Le comportement alimentaire cherchant à répondre à un triple défi (bon pour la santé, pour lenvironnement et à forte responsabilité sociétale) progresse considérablement. Le végétarisme et le véganisme gagnent aussi du terrain et sont convoités par l'industrie alimentaire. Ainsi, l'auteur explique que religions et nouvelles croyances cohabitent, et que la tolérance doit en être le maître mot : il faut savoir être attentif au mode de consommation des autres sans jamais imposer ses propres valeurs.


Monde numérique : Et si on reprenait nos esprits ?
Sylvie BERTHIER, Auteur ;
Claire GAILLARD, Auteur ;
Catherine MOUGENOT, Auteur ;
ET AL., Auteur
Le monde numérique offre de véritables outils pour répondre aux différents enjeux mondiaux, mais le lot dinformations concernant ces derniers oscille entre le meilleur des mondes et le pire des cauchemars. Pour tenter de démêler le vrai du faux, cet article recueille lanalyse dHugues Bersini, directeur du laboratoire dintelligence artificielle de lUniversité Libre de Bruxelles. Il prend pour exemple de nombreuses situations de notre quotidien pour décoder le monde numérique, monde qui est dailleurs encore en phase de construction. Pour lui, ces technologies sont une occasion de répondre aux défis de notre monde à condition den reprendre la main. Le témoignage de Gaëtan Séverac, ingénieur en robotique et co-fondateur de Naïo Technologies, permet dillustrer les enjeux appliqués au milieu agricole. Pour lui, aucun doute, les robots seront des atouts précieux pour faciliter le travail des hommes et pour uvrer à des modes de production plus durables. Sensuit un second exemple dans le domaine agricole dans lequel lutilisation dune de ces nouvelles technologies a été interdite : lexemple du collectif des producteurs de Comté qui ont dit « non » au robot de traite. Depuis le 1er juillet 2018, cette interdiction a été approuvée par la Commission européenne et est inscrite dans le cahier des charges de lAOP.


Méthanisation : Comment mettre les gaz ?
Yann KERVENO, Auteur
En France, la méthanisation sest développée dès les années 2000. Elle a alors suivi le modèle allemand basé sur la cogénération : un digesteur produit des gaz qui sont brûlés afin de produire de lélectricité. A lépoque, les gaziers ne sintéressaient pas encore au biogaz. Actuellement, la demande en « gaz vert » augmente et se développe (système de méthanisation basé sur la méthode dinjection). 97 % des installations françaises font encore de la cogénération et seulement 3 % de linjection alors que le rendement énergétique est de 40 % pour la cogénération contre 97 ou 98 % pour le biométhane. Bien que linjection ait le vent en poupe, le choix du système seffectue souvent en fonction du réseau (électrique ou gaz) le plus proche. Larticle fait un point sur la taille minimale des exploitations pour quelles puissent développer un tel système. Sensuivent plusieurs témoignages : Jean-Yves Gardoni, initiateur de Gâtinais Biogaz, décrit un projet de méthanisation collectif qui a commencé en cogénération en 2012 et a changé pour linjection en 2016 ; Mauritz Quaak et son frère ont, quant à eux, fait partie des pionniers à développer une installation individuelle de biogaz ; Marc Le Mercier explique le projet dune collectivité en Bretagne qui a vu en la méthanisation un outil dans sa recherche dindépendance énergétique.


Alimentation : Le sacre du sain et du sans
Lucie GILLOT, Auteur
Pascale Hébel, directrice du pôle consommation et entreprise au CRÉDOC (Centre de Recherche pour lÉtude et lObservation des Conditions de vie), est interviewée sur lévolution du rapport à lalimentation chez les Français. Ce rapport est en train de basculer : dune alimentation basée sur le goût, le consommateur recherche maintenant avant tout une alimentation saine et respectueuse de lenvironnement. Pour un Français, un aliment de qualité était « un aliment qui a du goût » dans les années 2000, alors que, maintenant, cest « un aliment bio ». Pascale Hébel commence par effectuer un historique de ce basculement, en prenant comme point de départ la crise de la vache folle en 1995. Elle explique ensuite pourquoi est-ce que ce sont les jeunes (18 24 ans) qui sont les plus concernés par ce changement. Depuis une dizaine dannées, émerge également le marché de léviction. Pascale Hébel fournit des éléments sur les causes de son essor, basé à la fois sur des facteurs psychosociaux et réglementaires. Elle détaille également le fait que la dimension environnementale soit de plus en plus présente dans le domaine alimentaire. En sappuyant sur des statistiques, elle compare ensuite la situation de la France à celle de lAllemagne, des États-Unis et du Japon.


Repères pour réussir la transition
Philippe COUSINIÉ, Auteur
Lauteur présente un résumé de son approche de la transition, de la transition du mode de vie de lhomme à la transition agroécologique. Changer est une nécessité pour la survie de lespèce humaine, face au changement climatique, à la baisse drastique de la biodiversité ou encore au développement des maladies. Pour lauteur, le frein majeur à la transition est le mode de pensée actuel très cloisonné par disciplines, spécialités ou techniques. Il ny a plus dapproche globale. Or, la transition doit se baser sur une approche systémique, où, à chaque instant, lhomme doit questionner ses actions pour voir leurs impacts sur lensemble des champs : environnement, énergie, social, technologie notamment. Ainsi, la transition agroécologique interroge le champ de lagriculture, de lalimentation, mais aussi de lénergie, de lécologie et de léducation. Léducation est même un point central : elle doit évoluer pour permettre de former des hommes aptes à interroger les savoirs dans leurs diversités et à avoir cette approche systémique. La transition agroécologique peut donc se voir comme sous linfluence des transitions éducative, énergétique, écologique et technologique, avec notamment le rôle fondamental de laliment et du choix par le consommateur de ce quil achète, son achat cautionnant tel ou tel système de production.


Déchiffrage : Vous avez dit démocratie alimentaire ?
Dominique PATUREL, Auteur
Dans un contexte de lancement de la loi Egalim et du plan pauvreté, la question de la réalité de la démocratie alimentaire mérite dêtre posée. Cette dernière est basée sur le principe que le citoyen doit « reprendre la main sur la façon daccéder à lalimentation dans sa reconnexion à lagriculture ». Cela va au-delà du seul acte dachat : la démocratie alimentaire sous-entend que tout citoyen peut participer aux décisions et agir par lensemble de ses actes sur lévolution de son système alimentaire. Or, aujourdhui, la seule façon dagir est souvent lachat. Si lacte dachat peut être de plus en plus un acte citoyen, tout dépend de la capacité de chacun à acheter. Cette capacité dépend de son revenu et de ses connaissances (sur ce quest un système alimentaire notamment). Or, ce sont les filières qui définissent en général ce qui est mis sur le marché (même les produits dits plus « vertueux », souvent développés dans une logique de segmentation). Par ailleurs, la gestion de laide alimentaire pour les citoyens aux revenus les plus faibles assigne le plus souvent ces derniers à consommer les surplus. De façon générale, les démarches à destination des populations les plus pauvres sappuient souvent sur une logique de philanthropie moderne, de néo-paternalisme, le bénéficiaire final nayant pas voix au chapitre sur ce qui est bon à manger et sur ce quest un « bon et juste modèle alimentaire ». On est loin dune démarche de démocratie alimentaire.