Cette thèse, au travers de nombreux entretiens (en partie retranscrits) avec des acteurs du secteur de lAB, vise à comprendre ce que lentrée en agriculture biologique révèle de la structuration du groupe professionnel agricole et des mondes ruraux contemporains. Elle montre que le processus de professionnalisation agricole, amorcé après la Seconde Guerre mondiale, a eu des effets durables sur les pratiques et les représentations des agriculteurs, y compris au sein dun segment agrobiologique ayant acquis une certaine forme dautonomie vis-à-vis du reste du groupe professionnel. À léchelle individuelle, les modalités dentrée, de maintien et dexcellence dans le métier dagriculteur bio sont multiples, au-delà du simple aspect technique, avec des situations différentes pour ceux qui sont « du métier » et/ou « du coin », pour ceux qui veulent davantage « vivre pour » leur métier que « vivre de » leur métier et ceux dont cest linverse. Dun point de vue institutionnel, le travail de repérage et de marquage des vocations agrobiologiques nest pas luvre dun appareil dencadrement spécifique au segment, bien que celui-ci se soit très tôt doté dorganisations dédiées (ITAB, FNAB
). La thèse met en avant des modalités dencadrement relativement duales entre dun côté les organisations au cur du dispositif dencadrement (INRA, Chambres dagriculture, FNAB) et, dun autre côté, celles qui en sont aux marges (ADEAR, CIVAM, Conf, Nature et Progrès, etc.). Du point de vue des représentations des mondes agricoles, la thèse a montré que la figure de lagriculteur professionnel était au cur du processus dunification symbolique du groupe, unification qui se fait au prix de la mise à l'écart des agriculteurs les plus désajustés au modèle. Ainsi, lAB na pu commencer à exister dans le champ des représentations agricoles quà partir du moment où sest ouverte une conjoncture positive (chocs pétroliers, institutionnalisation de la cause environnementale, etc.).